
- 27 avril 2022
- Mongi Ben Tkhayat - AMEF Consulting
- 2 Comments
LA FINANCE DIGITALE, FACTEUR D’INCLUSION FINANCIERE
I. Pourquoi la Finance Digitale est-elle cruciale ?
Depuis plusieurs années nous parlons de l’inclusion financière et de nombreux programmes ont été mis en place pour soutenir les populations démunies afin de leur permettre d’accéder aux services financiers, en particulier via les institutions de microfinance.
Ces dernières années, la Finance Digitale prend de l’ampleur et bouleverse les institutions financières classiques avec l’arrivée et le développement des Fintechs.
La dernière crise sanitaire liée à la COVID-19 n’a fait qu’accélérer son développement devenant ainsi une réalité de notre quotidien.
Alors est ce que la Finance Digitale soutiendra et boostera l’Inclusion Financière des populations et des opérateurs économiques ? Comment ? C’est ce à quoi ce papier essaye d’apporter des éléments de réponse. Au préalable, essayons d’avoir une compréhension commune de ces deux notions, Inclusion Financière et Finance Digitale.
II. Définition de l'Inclusion Financière
L’Inclusion Financière est définie communément en tant qu’une offre de services financiers de base à faible coût permettant aux personnes et aux entreprises exclues des services financiers traditionnels, d’accéder à toute une gamme de produits et de services financiers utiles et adaptés à leurs besoins. Ainsi l’Inclusion Financière est un facteur d’inclusion économique et sociale.
Selon les standards internationaux, en particulier les référentiels définis par les différents groupes de travail de l’Alliance pour l’Inclusion Financière (AFI[1]), l’inclusion financière se mesure par des indicateurs définis selon trois axes :
- Accessibilité
- Utilisation
- Qualité
III. Les Services Financiers Digitaux (SFD)
La finance digitale se définie comme une large gamme de produits et services financiers dont l’accès est numérique via Internet. Ces Services Financiers Digitaux (SFD) couvrent une large gamme de services : paiement ; crédit ; épargne ; transfert d’argent ; assurance ; …
Concernant l’accès aux SFD, on distingue souvent l’accès via le téléphone portable (smartphone) comme le mobile Banking ou le mobile Payment, de l’accès via les ordinateurs comme le E-Banking.
Il est important que toute l’expérience client et le processus soient digitaux pour que ces services soient considérés numériques : ouverture de compte ; KYC ; signature des documents ; décaissement des fonds ; …
III. Des expériences internationales positives d'inclusion financière digitale
Exemples Internationaux Réussis
On estime dans le monde plus de 2,5 milliards de personnes non bancarisées, alors qu’environ 1 milliard de ces personnes ont accès à un téléphone portable. Ceci illustre un potentiel important de la Finance Digitale dans le développement de l’inclusion financière.
A fin décembre 2020, le nombre de comptes mobiles actifs a atteint les 300 millions contre 200 millions à fin décembre 2018, soit une augmentation de 50% en 2 ans. Toutefois, ceci n’est pas systématiquement équivalent à une inclusion financière positive de la population. L’accès n’est qu’un facteur de l’Inclusion financière qui reste à soutenir par l’utilisation.
En Afrique subsaharienne et en moyenne 19% des comptes mobiles actifs réalisent un paiement de facture, 10% réalisent un payement commercial (achat) et seulement 1% reçoivent ou envoient d’argent à l’international.
La finance digitale a bien soutenu l’inclusion financière dans la l’Union Monétaire et Economique de l’Ouest Africain (UMEOA). En effet, la valeur globale des SFD via la téléphonie mobile a atteint 34% du PIB de l’Union en 2018 et 54% de la population adulte combinée du Bénin, Côte d’Ivoire, Ghana et Sénégal sont des utilisateurs actifs du Mobile Money en 2019. Or le taux de bancarisation au sens strict[2] dans l’UMEOA n’est que de 18% en 2019 et le taux de bancarisation au sens élargi[3] se limite à 39,7%. Ceci illustre bien l’impact positif de la Finance Digitale et le Mobile Payment dans le développement de l’inclusion financière de la population et de leur accès aux services financiers formels.
A noter par ailleurs que dans différentes régions du monde, il existe un gap entre les hommes et les femmes en matière d’inclusion financière (ayant un compte après d’une institution financière formelle). Selon les données du Global Findex, cet écart varie de 5% à 17% en 2017. Le gap le plus élevé se trouve dans la région du Moyen Orient et l’Afrique du Nord avec un gap de 17%. Ce gap est de 11% dans les pays de l’Afrique Sub-saharienne. Des expériences dans certains pays ont mis en relief l’avantage de la Finance Digitale dans la réduction de ce gap et l’inclusion financière des femmes. Que ce soit pour des raisons sociales, culturelles ou religieuses, les femmes rencontrent plus d’entraves en matière d’accès aux différents points de services des institutions financières formelles et de communication avec leurs représentants.
Toutefois, le potentiel de la Finance Digitale dans le développement de l’inclusion financière est affecté / limité par plusieurs craintes et risques. Par exemple, la non-interopérabilité entre les différents réseaux des opérateurs de téléphonie mobile limite l’utilisation des services financiers digitaux. De même, la protection des données personnelles et la confiance des consommateurs dans les opérateurs sont des facteurs à considérer pour pouvoir développer l’Inclusion Financière à travers le développement de la Finance Digitale.
IV. Qu’en est-il de l'inclusion financière digitale en Tunisie ?
L’étude de référence sur l’inclusion financière en Tunisie a été menée en 2018 par le cabinet Altai Consulting dans le cadre du programme MicroMED. Elle a porté sur un échantillon de 6 250 ménages et 1 502 micro-entreprises.
Les principaux résultats de cette étude quantitative sont les suivants :
Au niveau des ménages :
Accès aux services financiers :
- 61 % des Tunisiens sont clients d’une institution financière formelle (banque, microfinance, Poste…).
- 86 % des Tunisiens habitent ou travaillent à moins de 30 minutes d’un point d’accès à une institution financière (agence, DAB…).
Utilisation des services financiers :
- Seuls 9 % des Tunisiens sont des clients actifs, effectuant au moins trois transactions mensuelles sur leur compte.
- 16 % des Tunisiens ont obtenu un crédit formel l’année précédente, contre 66 % ayant obtenu un crédit informel.
- 2 % des Tunisiens disposent d’une assurance autre que l’assurance obligatoire.
Qualité des services financiers :
- 38 % des Tunisiens estiment que le coût des services financiers est accessible.
- 37 % considèrent que ces services répondent à leurs besoins.
Au niveau des micro-entreprises :
Accès aux services financiers :
- 55 % des micro-entreprises sont clientes d’une institution financière formelle.
- 94 % des gérants de micro-entreprises** habitent ou travaillent à moins de 30 minutes d’un point d’accès.
Utilisation des services financiers :
- Seules 25 % des micro-entreprises sont des clients actifs avec au moins trois transactions mensuelles.
- 33 % ont obtenu un crédit formel, contre 46 % ayant eu recours à un crédit informel.
- 6 % des micro-entreprises disposent d’une assurance autre qu’obligatoire.
Qualité des services financiers :
- 32 % des micro-entreprises jugent le coût des services financiers accessible.
- 37 % estiment que ces services correspondent à leurs besoins.
Le Rôle de la Poste et de la Microfinance dans l’Inclusion Financière :
Les institutions de microfinance et la Poste jouent un rôle clé dans l’inclusion financière des populations vulnérables :
- Femmes à bas revenus
- Personnes moins éduquées
- Individus en milieu rural
Utilisation des Services Financiers Digitaux (SFD)
L’étude révèle un faible niveau d’adoption des services financiers mobiles en Tunisie :
- Seuls 3 % des Tunisiens ont déjà utilisé un service financier via mobile.
- 4 % des micro-entreprises ont utilisé un service financier sur mobile.
Les Freins à l’Adoption des Services Financiers Digitaux :
Le faible recours aux services financiers digitaux est principalement lié à une offre limitée due à un cadre réglementaire contraignant jusqu’à récemment, malgré un taux élevé de connexion :
- 66,7 % de la population tunisienne utilise Internet (8 millions d’utilisateurs).
- 135,9 % de la population possède une connexion cellulaire mobile (16,3 millions de connexions).
- 68 % de la population utilise les réseaux sociaux via mobile (8,2 millions d’utilisateurs).
Avancées Réglementaires pour la Finance Digitale en Tunisie
Les autorités travaillent à la mise en place d’un cadre institutionnel et réglementaire favorable pour soutenir la finance digitale :
Etablissements de paiement :
- Création régie par les circulaires BCT n°2018-16 et n°2020-11.
- Seuls deux établissements ont obtenu un agrément définitif à ce jour.
Services financiers proposés par les établissements de paiement :
- Ouverture de compte de paiement (portefeuille numérique).
- Versements et retraits d’espèces.
- Transferts de fonds.
- Paiement de factures.
Plateformes de Crowdfunding :
- Loi n°2020-26 pour la création de plateformes de financement participatif.
- Loi n°2020-30 sur l’économie sociale et solidaire.
- Cependant, les textes d’application ne sont pas encore publiés.
AMEF Consulting : Un Partenaire Stratégique pour l’Inclusion Financière et la Transformation Digitale
Fort de son expérience dans la définition et la mise en œuvre de stratégies et programmes nationaux en matière d’Inclusion Financière, AMEF Consulting (www.amef-consulting.com), en tant que cabinet de conseil spécialisé dans le secteur de la Finance, propose services d’accompagnement, avec des partenaires éventuels, pour soutenir ses clients dans l’élaboration et la mise en œuvre de leur stratégie digitale et le développement de services financiers numériques.
[1] www.afi-global.org
[2] Mesure la proportion de la population adulte détenant un compte dans les banques, les services postaux, les caisses nationales d’épargne et du Trésor
[3] Taux de bancarisation au sens strict auquel s’ajoute les détenteurs de compte dans les institutions de microfinance
[4] Données à février 2022
J’ai aimé l’article, Merci.
Excellent article, je ne me lasse pas de lire et relire.
Merci