
- 15 juillet 2024
- Slim Hedi Chekili - AMEF Consulting
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Le modèle des chaînes de valeurs agricole a-t-il réellement contribué au développement du financement de l’Agriculture
I. Introduction
Les chaînes de valeur agricole offrent un modèle à même de contribuer de façon significative au développement de l’agriculture dans la mesure où elles favorisent une meilleure coordination entre les différents acteurs de la chaîne, tels que les producteurs, les transformateurs, les distributeurs, et les détaillants. Cette coordination accrue permet une plus grande transparence et une meilleure gestion des risques, ce qui peut attirer davantage d’investissements financiers.
En intégrant tous les maillons de la chaîne de valeur, les risques associés à l’agriculture, tels (fluctuations des prix, aléas climatiques …), peuvent être mieux gérés. Les institutions financières sont plus enclines à fournir des prêts et des crédits lorsque les risques sont réduits.
Le modèle des chaînes de valeur aide les agriculteurs à accéder à des marchés plus larges et plus stables. Cela assure des revenus plus réguliers et prévisibles pour les agriculteurs, ce qui rend le secteur agricole plus attractif pour les investisseurs et les prêteurs.
Les chaînes de valeur agricole encouragent le transfert de connaissances et de technologies, améliorant ainsi la productivité et l’efficacité des agriculteurs. Une agriculture plus productive est plus rentable et donc plus susceptible d’attirer des financements.
Le modèle des chaînes de valeur a également favorisé l’émergence de nouveaux produits financiers adaptés aux besoins spécifiques des agriculteurs : assurances-récoltes, crédits de campagne, financements basés sur les inventaires …
II. Avantages du financement des chaînes de valeur agricoles
En intégrant différentes étapes de la production à la distribution, le financement de chaînes de valeur agricoles permet de mieux gérer et répartir les risques. Par exemple, des contrats à long terme entre agriculteurs et transformateurs peuvent stabiliser les revenus des agriculteurs.
Les agriculteurs et autres acteurs de la chaîne de valeur peuvent accéder plus facilement au crédit en utilisant les contrats et relations dans la chaîne de valeur comme garanties. Cela réduit le risque pour les prêteurs.
Le financement ciblé sur des segments spécifiques de la chaîne de valeur peut améliorer l’efficacité et la productivité. Par exemple, investir dans des infrastructures de stockage réduit les pertes après récolte.
Les acteurs de la chaîne de valeur peuvent bénéficier de financements pour adopter de nouvelles technologies et pratiques agricoles, ce qui peut augmenter la production et la qualité des produits.
En assurant un soutien financier tout au long de la chaîne de valeur, on crée des liens plus solides entre les producteurs, transformateurs et distributeurs. Cela peut améliorer l’accès aux marchés et stabiliser les prix.
Le financement de chaînes de valeur agricoles dans des pays en développement doit être conçu pour inclure des petits agriculteurs en les intégrant dans des réseaux plus larges, leur donnant ainsi accès à des marchés qu’ils ne pourraient pas atteindre seuls.
1. Étude de cas : La filière des dattes en Tunisie
Un exemple notable de financement de chaîne de valeur agricole réussi en Tunisie est celui de la filière des dattes.
La Tunisie est l’un des principaux producteurs de dattes au monde, avec la variété Deglet Nour étant particulièrement renommée. Cependant, les producteurs de dattes, souvent de petits agriculteurs, faisaient face à plusieurs défis :
- Accès limité aux financements
- Manque d’infrastructures de stockage et de transformation
- Faibles connexions aux marchés internationaux
- Pratiques agricoles inefficaces et peu durables
Pour répondre à ces défis, plusieurs initiatives ont été mises en place, soutenues par des institutions financières internationales, des banques locales, et des organismes de développement à savoir :
-Des programmes de microfinance ont été développés pour fournir des prêts aux producteurs de dattes. Ces prêts étaient souvent garantis par des contrats d’achat à long terme avec des transformateurs ou des exportateurs.
-Des investissements ont été réalisés dans des infrastructures modernes de stockage et de transformation des dattes, financées par des crédits à des conditions favorables. Cela a permis de réduire les pertes après récolte et d’améliorer la qualité des produits.
-Les producteurs ont été connectés à des marchés internationaux grâce à des partenariats avec des exportateurs. Des certifications de qualité et des normes sanitaires ont été mises en place pour répondre aux exigences des marchés étrangers.
-Les producteurs ont reçu des formations sur des pratiques agricoles durables et efficaces. Des innovations technologiques, comme l’irrigation goutte-à-goutte, ont été introduites pour améliorer la productivité et la gestion des ressources en eau.
En termes d’impact, le financement de ces initiatives s’est traduit par une augmentation des revenus des producteurs de dattes grâce à un meilleur accès aux marchés et à des prix plus stables. Par ailleurs, la qualité des dattes tunisiennes a été améliorée, ce qui a renforcé leur position sur les marchés internationaux. Les pertes après récolte ont quant à elles été considérablement réduites grâce aux nouvelles infrastructures de stockage. Les pratiques agricoles durables ont permis une meilleure gestion des ressources naturelles, en particulier de l’eau.
2. Étude de cas : La filière laitière au Maroc
Un autre exemple réussi de financement de la chaîne de valeur agricole dans la filière laitière au Maroc est celui du projet de développement de la filière lait initié par l’Office National Interprofessionnel du Lait (ONIL) en collaboration avec plusieurs partenaires, dont les coopératives laitières, les institutions financières et les organisations internationales.
La filière laitière au Maroc est une composante importante de l’agriculture marocaine, mais elle faisait également face à plusieurs difficultés :
- Faible productivité des vaches laitières
- Manque de formation et de compétences chez les éleveurs
- Infrastructures de collecte et de transformation du lait insuffisantes
- Accès limité au financement pour les petits producteurs
Pour surmonter ces défis, plusieurs initiatives ont été mises en œuvre :
-Des institutions financières ont offert des crédits adaptés aux besoins des éleveurs laitiers. Ces crédits étaient souvent garantis par des contrats de fourniture de lait aux coopératives et aux laiteries. Les banques comme le Crédit Agricole du Maroc ont joué un rôle crucial en offrant des produits financiers spécifiques pour le secteur laitier.
-Les éleveurs ont reçu des formations sur les meilleures pratiques en matière d’alimentation, de gestion de troupeaux et de techniques de traite. Des experts en lactation ont été mobilisés pour améliorer la productivité et la qualité du lait.
-Des investissements ont été réalisés pour améliorer les infrastructures de collecte et de transformation du lait. Des centres de collecte modernes ont été construits et équipés pour assurer une meilleure qualité et une plus grande capacité de stockage.
-Le développement de la filière laitière a bénéficié de partenariats entre le gouvernement, les coopératives laitières, les entreprises privées et les organisations internationales comme l’USAID et la FAO.
Grâce à ces différentes initiatives, la production de lait a augmenté grâce à l’amélioration des pratiques d’élevage et à une meilleure nutrition des vaches. La qualité du lait produit a été améliorée, permettant d’accéder à des marchés plus rémunérateurs. Les revenus des éleveurs laitiers ont augmenté grâce à une meilleure productivité et à des prix plus stables.
Les coopératives laitières ont renforcé leur capacité à collecter, transformer et commercialiser le lait, assurant ainsi une meilleure chaîne de valeur.
III. Conditions et défis nécessaires pour le développement des chaînes de valeur agricoles
En dépit de ses multiples avantages décrits précédemment, le modèle des chaînes de valeur agricoles peine encore à se généraliser dans certains pays en développement en raison de plusieurs conditions qui faute d’être réunies, peuvent être un frein à son développement, à savoir essentiellement :
Un cadre institutionnel et politique favorable qui inclut des politiques de soutien aux agriculteurs, des subventions, et des mesures de protection contre les fluctuations des prix.
Une infrastructure adéquate (routes, systèmes d’irrigation, stockage, etc.) est nécessaire pour faciliter la production, le transport et la conservation des produits agricoles.
Les produits agricoles doivent également répondre aux normes de qualité exigées par le marché. Cela inclut la conformité aux normes sanitaires, la régularité de la production, et l’adaptation des variétés cultivées aux demandes des consommateurs.
Les agriculteurs doivent avoir un accès facile et abordable aux intrants de qualité (semences, engrais, pesticides, etc.). Des intrants adaptés et de bonne qualité sont cruciaux pour garantir une production optimale.
Les producteurs doivent être formés aux bonnes pratiques agricoles et avoir accès à des informations actualisées sur les marchés, les techniques agricoles, et les prévisions météorologiques.
Les agriculteurs ont souvent besoin de financement pour investir dans des intrants, des équipements ou des infrastructures. Un accès facile au crédit à des taux abordables est crucial.
IV. Conclusion
Une chaîne de valeur efficace nécessite des canaux de commercialisation bien établis pour que les produits puissent atteindre les marchés rapidement et à un coût raisonnable. Cela inclut des systèmes de distribution efficaces et une bonne coordination entre les différents acteurs de la chaîne.