- 9 janvier 2024
- Slim Hedi Chekili - AMEF Consulting
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Intégration des Changements Climatiques dans les Stratégies Bancaires
I. Introduction
Les conséquences des changements climatiques telles que l’élévation du niveau de la mer, la survenance d’événements météorologiques extrêmes, la perturbation des écosystèmes terrestres et marins, l’acidification des océans, la diminution de la biodiversité … se traduisent par un certain nombre de risques climatiques ayant un impact direct sur le secteur bancaire.
En effet, certaines études estiment que des milliards de dollars d’actifs financiers pourraient être menacés en raison de l’augmentation des événements météorologiques extrêmes, de la dépréciation des actifs carbonés et des impacts sur les prêts liés à des secteurs sensibles au climat.
Des évaluations de risques effectuées par différentes institutions financières indiquent que les pertes potentielles associées aux risques climatiques pourraient représenter des pourcentages significatifs de leurs portefeuilles d’investissement.
Ces risques incluent les pertes liées aux biens matériels, les impacts sur les secteurs économiques, les pertes liées aux prêts accordés à des entreprises sensibles au climat.
Les actifs financiers liés aux industries fortement émettrices de carbone pourraient connaître une dépréciation importante à mesure que les politiques climatiques se renforcent et que la transition vers des économies à faibles émissions de carbone s’accélère.
Par ailleurs les coûts d’adaptation des banques face aux risques climatiques sont également importants : cela comprend l’investissement dans des infrastructures résilientes, la couverture d’assurance contre les risques climatiques croissants et les coûts d’accompagnement des entreprises pour qu’elles s’adaptent aux nouvelles réalités climatiques.
Les banques devront probablement supporter des coûts opérationnels supplémentaires liés à l’intégration des risques climatiques dans leurs processus de gestion des risques, l’adoption de nouvelles politiques et pratiques commerciales, ainsi que la conformité à des réglementations plus strictes en matière de climat.
II. Stratégies bancaires face aux enjeux et risques climatiques
1.Développement d’une Offre Finance Verte
Face à ces enjeux et risques climatiques, les banques se doivent d’élaborer des stratégies de développement qui, outre l’analyse des risques climatiques dans leurs processus de financement, intègrent désormais le développement d’une offre « Finance Verte » en direction aussi bien des particuliers que des entreprises.
Ceci en ligne avec leurs engagements en matière de responsabilité sociale et environnementale. A titre d’exemples, les banques doivent proposer à leurs clients qui soutiennent des initiatives durables, des produits financiers spécifiques tels que des obligations vertes ou des comptes d’épargne verts, ce qui leur permet d’allouer les fonds collectés à des projets respectueux de l’environnement comme les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.
Le marché mondial des obligations vertes a enregistré une croissance significative sachant qu’en 2020, le volume des émissions d’obligations vertes avait dépassé les USD 700 milliards selon Climate Bonds Initiative.
Les banques sont appelées également à fournir des prêts verts à des taux préférentiels ou des lignes de crédit spécifiquement destinés à financer des projets verts. Ces prêts peuvent concerner des entreprises œuvrant dans les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et la gestion des déchets.
En partenariat avec les compagnies d’assurance, les banques sont invitées en outre à développer et offrir des produits d’assurance adaptés aux risques climatiques pour aider leurs clients entreprises et particuliers à se protéger contre les conséquences financières des événements climatiques extrêmes.
Elles doivent par ailleurs être amenées à proposer à leurs clients des services de conseil en investissement durable, les aidant à aligner leurs portefeuilles d’investissement sur des objectifs environnementaux et sociaux.
Les stratégies bancaires face aux enjeux et menaces climatiques doivent intégrer également la prise en compte d’un certain nombre d’opportunités en termes d’une part d’accès à diverses ressources et d’autre part de financement de nouveaux projets et nouvelles activités.
2. Captation de nouvelles ressources
Outre les dépôts et fonds des clients et les emprunts sur les marchés financiers, les banques peuvent s’associer à des fonds d’investissement spécialisés dans les projets verts.
Ces fonds peuvent provenir d’investisseurs institutionnels, de capitaux privés ou de partenariats public-privé qui offrent des ressources financières pour soutenir des initiatives écologiques.
Par ailleurs certains gouvernements offrent des subventions, des garanties ou des incitations fiscales pour encourager les investissements dans des projets verts et dont les banques peuvent bénéficier pour réduire les risques ou améliorer la rentabilité des investissements dans des initiatives durables.
Les banques peuvent également accéder à des fonds internationaux et à des partenariats multilatéraux, tels que le Fonds Vert pour le Climat, la Banque Européenne d’Investissement (BEI) ou la Banque mondiale, qui soutiennent financièrement des projets environnementaux à travers le monde.
3. Financement de nouveaux projets
Les banques doivent exploiter également la possibilité de financer une large gamme de projets liés aux enjeux climatiques.
Ces projets visent généralement à réduire les émissions de gaz à effet de serre, à promouvoir la transition vers une économie plus durable et à renforcer la résilience face aux impacts du changement climatique.
Parmi les types de projets que les banques sont en mesure de financer citons à titre d’exemples :
Les projets en matière d’énergies renouvelables tels que la construction et le développement de parcs éoliens, de centrales solaires, de projets hydroélectriques, de centrales géothermiques ou d’autres sources d’énergie renouvelable pour remplacer les énergies fossiles et réduire les émissions de CO2.
Les investissements mondiaux dans les énergies renouvelables ont continué à croître au fil des années. En 2020, selon les données de Bloomberg NEF, les investissements avaient atteint USD 303,5 milliards.
Les projets en matière d’efficacité énergétique tels que ceux visant à améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments, des infrastructures industrielles et des équipements, comme l’installation de systèmes de chauffage et de refroidissement efficaces, l’isolation, l’utilisation de technologies plus économes en énergie.
Le financement des initiatives visant à promouvoir les transports durables tels que les transports publics à faibles émissions, les infrastructures pour les véhicules électriques, les vélos en libre-service, les programmes de covoiturage.
Les projets agricoles durables, tels que l’agroforesterie, les pratiques agricoles respectueuses de l’environnement, la réduction des émissions de méthane, l’optimisation de l’utilisation des terres agricoles.
Le financement des initiatives en matière de gestion des déchets tels que le recyclage, le compostage, la valorisation énergétique des déchets, la réduction des déchets plastiques.
Les projets visant à renforcer la résilience des infrastructures urbaines et côtières face aux événements climatiques extrêmes, tels que les inondations, les tempêtes, et l’élévation du niveau de la mer.
Le financement des initiatives en matière de reforestation et conservation des écosystèmestelles que les programmes de reboisement, de restauration des écosystèmes, de préservation des zones humides et de la biodiversité, contribuant ainsi à capturer le carbone et à préserver les écosystèmes naturels.
Le financement des activités en matière de recherche et développement de technologies propres, telles que les batteries de stockage d’énergie, les solutions de captage et de stockage du carbone, les innovations en matière d’énergie propre.
Plusieurs banques internationales se sont engagées sur cette voie : Bank of America s’est engagée à fournir 1 500 milliards de dollars pour des activités liées à l’environnement, notamment des financements pour les énergies renouvelables, la conservation des ressources naturelles et des investissements dans des projets à faible émission de carbone ; Citi Group a annoncé son engagement à mobiliser 1 000 milliards de dollars sur une période de 10 ans pour financer des solutions climatiques et durables ; Banco Santander a élaboré une stratégie de finance durable visant à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
III. Conclusion
Les enjeux et les risques climatiques doivent amener les banques à adopter une approche proactive pour saisir les opportunités liées à l’intégration des risques climatiques dans leurs pratiques commerciales.
En finançant différents types de projets verts, les banques doivent jouer un rôle crucial dans la transition vers une économie plus durable et résiliente face aux défis du changement climatique.
Par ailleurs en combinant différentes sources de financement, les banques peuvent constituer des portefeuilles diversifiés pour soutenir une gamme variée de projets verts. La diversification des sources de financement peut également réduire les risques et renforcer l’impact financier et environnemental des initiatives durables.
De plus, les régulateurs et les autorités de surveillance financière ont commencé à exiger des banques qu’elles prennent en compte les risques climatiques dans leurs opérations et leurs rapports financiers.
Plus globalement, l’intégration de critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) piliers de l’analyse extra-financière, visent à évaluer l’exercice de la responsabilité des entreprises vis-à-vis de l’environnement et de leurs parties prenantes (salariés, partenaires, sous-traitants et clients).
Le critère environnemental tient compte de la gestion des déchets, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la prévention des risques environnementaux. Le critère social prend en compte la prévention des accidents, la formation du personnel, le respect du droit des employés, la chaine de sous-traitance et le dialogue social.
Le critère de gouvernance vérifie l’indépendance du conseil d’administration, la structure de gestion et la présence d’un comité de vérification des comptes.
En 2020, le total des actifs mondiaux gérés selon des critères ESG avaient dépassé les USD 40 billions selon le Global Sustainable Investment Alliance (GSIA). Cela englobe une gamme d’investissements durables, dont les financements verts font partie.
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