- 30 mars 2021
- Jilani Ben Lagha - AMEF Consulting
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Le contrat SALAM et le financement de l’agricole
Cadre introductif du contrat SALAM dans la finance islamique
Le principe fondamental de la Chariaa stipulant que « la permission est la règle dans les transactions, l’interdiction étant une exception » est à mon avis l’un des fondamentaux que nous devrions tous retenir pour pouvoir juger avec clairvoyance les produits et les services proposés par la Finance Islamique (FI), une industrie naissante qui ne se veut pas concurrentielle de la finance conventionnelle (FC) mais plutôt complémentaire.
Cette complémentarité intervient dans le sens où la FI doit combler des vides et redresser des failles que la Finance conventionnelle n’a pas pu traiter.
Le vide concerne ce segment important de clientèle (les adeptes de confession musulmane) que seule la finance islamique peut aborder. Les failles tournent autour des principes d’éthique que la FC a délaissés en faveur d’une course sans pitié vers la création des richesses, peu importe les moyens et dont les retombées ont été bien ressenties lors de la crise de 2008.
C’est donc partant de ce principe fondamental et en se consacrant à cette vocation de complémentarité que l’ingénierie financière islamique a pu développer une panoplie de produits dont le SALAM objet du présent article.
DÉFINITION ET PARTICULARITÉS DU SALAM
Définition
Le Salam est un contrat de vente qui comporte une livraison différée de la marchandise et un versement immédiat du prix d’achat au moment de la signature du contrat.
Les Fekihs Hanafites présentent une définition plus authentique en disant que « Le Salam est l’acquittement immédiat d’un achat à terme. Le terme concerne la marchandise (absente) vendue contre paiement au comptant de son prix ».
Dans la pratique, les deux parties, Acheteur et Vendeur, se mettent d’accord sur la réalisation d’une transaction SALAM, en vertu de laquelle l’acheteur paie au comptant le prix négocié, et le vendeur livre le bien à terme. Le contrat comporte donc un engagement de livraison du bien de la part du vendeur en précisant les modalités de la vente (nature de marchandises, quantités, prix, délais et modalités de livraison ou de vente pour compte).
Particularités
Le bien objet du SALAM
Le SALAM est classé par la majorité des écoles du Fik’h dans la catégorie des contrats de vente.
Cette classification a toujours prêté à équivoque du fait que bon nombre d’experts préfèrent le classer dans la catégorie des contrats d’investissement. Cette équivoque est due, entre autres, au fait que le SALAM échappe, de par ses particularités, à certaines règles du contrat de vente en Islam comme celles de l’interdiction de vendre ce qu’on ne possède pas (يملكما لابيع) et la prohibition de vendre un bien inexistant (المعدوم بيع).
Les conditions fondamentales du contrat SALAM stipulent que le bien objet du SALAM peut ne pas être en possession du vendeur au moment de la signature du contrat. Cependant, il doit obéir aux conditions suivantes :
- Être bien décrit au moment de la signature ;
- Être facilement substituable pour éliminer toute ambiguïté quant à ses qualités et empêcher les excuses d’indisponibilité à l’échéance de livraison ;
- Porter sur un bien fongible descriptible et substituable.
Ces conditions permettent ainsi de limiter les retombées de l’indisponibilité du bien et de légitimer le SALAM comme un contrat de vente.
Le paiement du prix du SALAM
En Islam, la vente est engagée par le simple échange des déclarations « d’offre et d’acceptation de l’offre » entre les deux partenaires. Le paiement immédiat du capital est une exigence fondamentale dans le contrat SALAM. Le SALAM n’est légal que par le paiement du prix au moment de la séance contractuelle avant que les parties ne se séparent.
Cette particularité « d’avancer le capital » alimente l’avis de certains experts qui classent le SALAM parmi les contrats d’investissement et non de vente.
HISTOIRE, FONDEMENT ET LÉGITIMITÉ CHARAÏQUE
Le SALAM a été pratiqué depuis l’Antiquité sous diverses formes de contrat de vente ou d’investissement. Il a toujours constitué un moyen d’échange qui animait la vie des sociétés et participait au développement des économies.
Les hadiths rapportent qu’à l’époque de la Hijra, les musulmans utilisaient le SALAM pour des biens tels que les fruits, les dattes et le blé. Le Prophète (paix et prières d’Allah soient sur lui) a légitimé la réception des avances sur la récolte des dattes, en posant des conditions pour éviter le Gharar (incertitude).
LE SALAM – PRODUIT DE FINANCE ISLAMIQUE
Renaissance du SALAM
Avec la libération des pays arabo-musulmans et l’avènement de la Finance Islamique dans les années 1970, le contrat SALAM est redevenu un produit de financement bancaire.
Schéma de financement
Aujourd’hui, le SALAM adopte un schéma intégrant la banque comme acteur principal, qui avance les fonds à son client tout en se positionnant en tant qu’acheteur des marchandises à terme.
Processus d’un financement SALAM
Phase de la demande, étude et déblocage des fonds
Le client dépose une demande de financement SALAM à sa banque avec une facture pro-forma. La banque procède aux vérifications et signe un contrat reprenant les clauses convenues. Une fois le contrat signé, la banque débloque les fonds sur le compte du client.
Modalités de recouvrement
La banque dispose de plusieurs options pour gérer les difficultés liées à la réception du bien :
- Option 1 : Procuration au client pour vendre le bien à des tiers ;
- Option 2 : Signature d’un SALAM parallèle avec un autre acheteur ;
- Option 3 : Prendre possession du bien et le vendre directement à d’autres clients.
Les risques du SALAM
Les principaux risques sont liés à la livraison du bien, aux retards et à la qualité du produit livré. Une bonne appréciation du client vendeur et des garanties solides sont indispensables.
LE SALAM ET L’AGRICULTURE
Importance historique du SALAM dans l’agriculture
Les recherches montrent que le SALAM a toujours été un pilier du développement de l’activité agricole dans les sociétés arabo-musulmanes.
Expériences internationales
Expérience soudanaise
Le Soudan a utilisé le SALAM pour financer l’agriculture avec des résultats positifs, notamment pour le blé et le coton.
Expérience malaisienne
Une étude a révélé que les agriculteurs malaisiens étaient plus enclins à prendre des risques liés au SALAM que les banquiers.
Expérience sri lankaise
Le contrat SALAM est vu comme une bonne alternative aux modes de financement classiques.
Expérience pakistanaise
Des études ont montré que l’usage du SALAM pourrait réduire le coût des agriculteurs de 25 %.
Synthèse et recommandations
L’analyse des expériences montre l’importance de l’implication des autorités pour un cadre réglementaire adéquat, ainsi que la nécessité pour les banques de constituer des structures spécialisées et d’intégrer des assurances Takaful pour renforcer les garanties.
Perspectives finales sur le contrat SALAM
Le SALAM, comme tout autre produit financier, implique des risques. Le rôle du banquier est de savoir identifier ces risques, établir une cartographie et mettre en place des mesures adéquates pour les atténuer.
Références
- « Droit et formation du capital dans l’Empire abbasside (XIe – XIIe siècle) » par Baber Johansen.
- « Le contrat SALAM et les relations ville-campagne dans la Palestine ottomane » par Beshara Doumani.
[1] « Droit et formation du capital dans l’Empire abbasside (XIe – XIIe siècle) par Baber Johansen
[2] « Le contrat SALAM et les relations ville-campagne dans la Palestine ottomane publications-de-Beshara-Doumani »
Binjiur à vous. Un excellent article. Est il possible d’avoir un spécimen de contrat Salam. Merci infiniment