- 15 avril 2021
- Mongi Ben Tkhayat - AMEF Consulting
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L’Afrique et la Finance Climat
Pourquoi on parle ces dernières années de plus en plus de la Finance Climat ou « Climate Finance » ? Et en quoi consiste-t-elle ? Est-ce que notre continent africain en est concerné ?
Les spécialistes de l’environnement ont déjà tiré la sonnette d’alarme depuis plusieurs années concernant la dégradation de l’environnement et les risques de changement climatique, à cause en particulier de l’importance des émissions de gaz à effet de serre qui engendrent une augmentation de température.
Face à ces risques réels, les décideurs de notre planète se réunissent périodiquement pour examiner les moyens de prévenir le pire et protéger au mieux notre planète. Un des objectifs fixé dans ce sens, est de limiter la hausse des températures à 1,5°C[1]. Ceci ne peut se faire qu’à travers le changement du modèle de développement économique en nous orientant vers une économie à zéro carbone, avec la mise en place de politiques ambitieuses de transition énergétique basées sur l’utilisation des énergies renouvelables et la mise en place des programmes d’efficacité énergétique.
La mise en place de ces orientations ambitieuses pour la protection de notre planète et des générations futures, ainsi que nos propres enfants, nécessite énormément d’argent que les autorités publiques et le secteur privé doivent mobiliser ensemble pour atteindre cet objectif. D’où la Finance Climat qui privilégie le financement des investissements respectueux de l’environnement et préservant notre climat.
Dans le monde, cette prise de conscience est déjà de mise dans plusieurs pays et des initiatives ont été entreprises pour développer une Finance verte et durable, préservant le climat.
- Le Comité Bâle de Supervision Bancaire a récemment mis en place un groupe de travail sur les risques financiers liés au Climat – Task Force on Climate-related Financial Risks (TRCF) – pour l’appuyer dans sa mission d’amélioration de la stabilité financière mondiale à travers :
- L’inventaire des initiatives de réglementation et de surveillance prises par ses membres sur les risques financiers liés au climat ;
- L’élaboration de rapports analytiques sur les risques financiers liés au climat et des rapports sur les canaux de transmission de ces risques au système bancaire ainsi que sur les méthodologies de mesure ;
- Le développement de pratiques de contrôle efficace afin d’atténuer les risques financiers liés au climat.
- Un réseau de banques centrales et d’autorités de supervision du secteur financier a été constitué en décembre 2017, lors du sommet de Paris One Planet, pour « écologiser » le système financier : il s’agit du Network of Central Banks and Supervisors for Greening the Financial System (NGFS[2]). L’objectif de ce Réseau est de contribuer au renforcement de la réponse mondiale requise pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris 2015 et de renforcer le rôle du système financier dans la gestion des risques et la mobilisation de capitaux pour des investissements verts et bas carbone dans le contexte plus large du développement écologiquement durable.
A cette fin, le Réseau définit et promeut les meilleures pratiques à mettre en œuvre au sein et en dehors des membres du NGFS et mène ou commande des travaux analytiques sur la finance verte.
- Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (UNEP) s’est associé au secteur financier mondial, sous forme de partenariat, pour une initiative intitulée UNEP Finance Initiative (UNEP-FI) dont l’objectif est de mobiliser le secteur financier privé pour un développement durable.
Et notre Afrique, où en est-elle de tout cela ?
Notre continent joue un rôle important dans le climat de notre planète à travers la biodiversité de son sol en particulier au niveau de l’équateur. Il est aussi concerné par les risques de changement climatique, avec le développement de la désertification et la multiplication des inondations par exemple.
Malgré une certaine prise de conscience des risques climatiques dans certaines zones de notre Afrique, le sentiment général est que nos décideurs et nos populations ne sont pas encore suffisamment sensibilisés et donc conscients de ces risques et de leurs conséquences. /p>
La mise en place de ces orientations ambitieuses pour la protection de notre planète et des générations futures, ainsi que nos propres enfants, nécessite énormément d’argent que les autorités publiques et le secteur privé doivent mobiliser ensemble pour atteindre cet objectif. D’où la Finance Climat qui privilégie le financement des investissements respectueux de l’environnement et préservant notre climat.
- L’émission des obligations vertes (Green Bonds)
- Système de Gestion Environnementale et Sociale (SGES)
- Stratégie d’intégration de la protection du Climat dans la politique de financement
Certains pays d’Afrique ont défini des cadres appropriés permettant l’émission d’obligations vertes (Green Bonds) pour encourager les investissements dans l’économie verte à faible carbone. Mais leur nombre reste faible, soient 12 pays (sur les 54 pays membres de l’ONU) et qui sont le Maroc, l’Afrique du Sud, le Nigéria, le Kenya et les 8 pays de l’UMOA. Par ailleurs, le volume des émissions vertes, bien qu’il soit en progression, il reste encore trop faible, voire dérisoire, pour créer un réel changement et une orientation confirmée vers des économies vertes.
En 2019, le montant des obligations et des crédits certifiés verts émis en Afrique était de US$ 899 millions, représentant 0,35% du total des émissions vertes dans le monde ! Par ailleurs, seulement 3 pays africains ont enregistré en 2019 des émissions vertes.
Plusieurs banques africaines disposent d’un système de gestion environnemental et social, soit d’une manière volontariste ou sous l’effet de contraintes / exigences externes et en particulier celles des bailleurs de fonds internationaux ou régionaux qui demandent la mise en place d’un tel système en contre partie de leur appui financier sous toute forme (fonds propres, dette, ligne de garantie…). Il est utile que les autorités de supervision du système bancaire et financier africain définissent d’une manière explicite des exigences réglementaires minimales que les banques doivent observer dans ce domaine.
Au-delà des exigences réglementaires, les organes de gouvernance des banques africaines (conseils d’administration et directions générales) doivent avoir une approche à la fois volontariste et pro-active dans l’intégration de la Finance Climat dans leur politique de développement.
Cette approche est aussi génératrice d’opportunités de développement d’affaires pour les banques africaines en anticipant sur les transitions technologiques et comportementales comme elles l’ont fait à des degrés divers au niveau de la transition numérique. Par ailleurs, ceci leur permet de consolider leur dispositif de gestion des risques en intégrant les risques liés aux changements climatiques (risques physiques et risques de transition).
La Finance Verte ou la Finance Climat ne doit pas dont être perçue comme un luxe pour l’Afrique.
Il s’agit bien d’une nécessité et ce comme pour la Finance Digitale. L’Afrique peut même être parmi les leaders dans ce domaine : le potentiel d’énergie solaire en Afrique est bien plus important que dans d’autres continents, la biodiversité en Afrique est considérable et doit être préservée, la désertification est un risque réel et fort, …
Par ailleurs et au-delà des risques financiers auxquels les banques sont exposées avec les changements climatiques, risques physiques et risques d’adaptation, il y a des opportunités commerciales et de business à saisir par les banques africaines à travers la Finance Climat. Certaines banques l’ont bien compris et elles ont déjà intégré la Finance Climat dans leur stratégie de développement et de financement de leurs clients et projets. Le cas de la Standard Bank en Afrique est à saluer, en adhérant à l’initiative UNEP-FI.
Conscient des enjeux de la Finance Climat sur les années à venir,AMEF Consulting travaille depuis 2015 sur ce sujet et a eu l’occasion d’accompagner des institutions financières et des organismes publics dans la définition et l’implémentation de leur stratégie de Finance Verte et des produits financiers spécifiques aux financement des projets d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique.
Fondateur d’AMEF Consulting en 2011, Mongi Ben Tkhayat assure le développement stratégique et le management des activités du Cabinet sur son marché en Afrique et au Moyen Orient.
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