- 15 février 2023
- Mongi Ben Tkhayat - AMEF Consulting
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L’INCLUSION FINANCIERE AU MAGHREB A L’ERE DU DIGITAL
I. Qu'est-ce que l'Inclusion Financière ?
Je souhaite tout d’abord préciser de quoi parlons-nous quand on évoque l’Inclusion Financière (IF). Il pourrait y avoir plusieurs définitions et surtout plusieurs compréhensions dans l’esprit de chacun de nous.
En se basant sur la définition de la Banque Mondiale (BM) ou l’Alliance pour l’Inclusion Financière (AFI), il y a lieu de mettre l’accent sur les 3 dimensions de l’Inclusion Financière, à savoir l’Accès, l’Utilisation et la Qualité des services financiers.
Au-delà de l’ouverture d’un compte bancaire ou l’obtention d’une carte de paiement par exemple (dimension Accès), les bénéficiaires ne seraient pas bien « inclus financièrement » s’ils ne les utilisent pas, quelles que soient les raisons (cas des comptes bancaires inactifs ou gelés par exemple).
II. L’Inclusion Financière au Maghreb : Un Bilan
Évaluation des données clés
Après cette précision importante, quid de l’Inclusion Financière au Maghreb ?
Pour cela, je souhaite faire référence aux données de Global Findex, qui communique périodiquement des informations sur l’inclusion financière dans plus de 100 pays du monde. Ces données sont déterminées selon une même méthodologie : enquête en face à face ou téléphonique auprès d’un échantillon d’environ 1 000 personnes en utilisant le même questionnaire.
Données de 2017 sur le Maghreb (5 pays) :
37 % des adultes disposent d’un compte auprès d’une institution financière, contre 67 % dans le monde, 61 % dans les pays en développement et 33 % dans les pays d’Afrique subsaharienne.
26 % des femmes disposent d’un compte contre 49 % pour les hommes.
21 % des adultes disposent de cartes bancaires, mais seulement 6 % déclarent l’avoir utilisé dans les 12 derniers mois.
34 % des adultes déclarent épargner, mais seulement 11 % l’ont fait auprès d’une institution financière formelle dans les 12 derniers mois.
32 % des adultes déclarent avoir emprunté de l’argent, mais seulement 5 % auprès d’une institution financière formelle.
1 % disposent d’un compte de Mobile Money, contre 5 % dans les pays en développement et 21 % en Afrique subsaharienne.
Ces données révèlent le long chemin restant à parcourir pour renforcer l’inclusion financière dans la région. Il est essentiel de reconnaître que l’Inclusion Financière est l’affaire de tous, y compris des banques, et que des stratégies nationales d’inclusion financière sont nécessaires, avec un rôle moteur des ministères des Finances et des banques centrales.
III. L’Inclusion Financière par le Downscaling : Une Stratégie Clé
Le Downscaling consiste à ce que les banques mettent en place des stratégies et des business models pour élargir leur portefeuille de clients à des populations à faibles revenus et à des entreprises de très petite taille.
Les piliers du succès du Downscaling
Selon les expériences observées, la réussite d’une telle approche nécessite une formule triangulaire portée par :
Un cadre réglementaire favorable :
Flexibilité réglementaire au niveau de la tarification (taux d’usure).
Développement de produits et services financiers digitaux.
Exigences prudentielles flexibles encourageant le Downscaling.
Une vision et un engagement stratégiques à haut niveau :
Décision confirmée et supportée par les organes de gouvernance (Conseil d’administration).
Un business model spécifique :
Chaque segment de marché nécessite un business model adapté et efficace.
Facteurs de réussite du Downscaling
Mise en place d’une segmentation fine du marché visé.
Offrir des produits financiers adaptés, y compris une tarification flexible (tarification à l’utilisation).
Développement de canaux de distribution digitaux ou réseaux d’agents bancaires.
Simplification des procédures de gestion des risques avec des systèmes fluides et automatisés.
Proposer des services d’accompagnement et d’appui pour soutenir la clientèle.
Une approche efficace consiste à démarrer par un projet pilote avant un déploiement généralisé. Les banques peuvent aussi bénéficier de l’appui des agences de développement internationales.
IV. Les Services Financiers Digitaux et l’Inclusion Financière
Impact du digital sur l’inclusion
Les services financiers digitaux sont un levier essentiel de l’inclusion financière grâce au mobile money.
Données de 2021 (Afrique subsaharienne) :
55 % des adultes disposent d’un compte.
40 % des comptes sont ouverts auprès d’institutions financières formelles.
33 % des comptes sont des comptes de Mobile Money.
Cette évolution témoigne du potentiel de la finance digitale, mais un simple compte mobile ne suffit pas. Le développement de l’inclusion passe aussi par l’offre de services complémentaires comme l’épargne, le crédit ou la micro-assurance.
Défis des services financiers numériques
Faible taux d’utilisation : seulement 21 % des 556 millions de comptes mobile money sont actifs mensuellement.
Manque d’interopérabilité : impossibilité de réaliser des transactions entre différentes plateformes.
Pour améliorer l’interopérabilité, une collaboration accrue est nécessaire entre :
Prestataires de services financiers numériques.
Banques centrales.
Régulateurs.
Ministères concernés.
V. Clés pour Optimiser l’Inclusion Financière Digitale
Pour optimiser l’inclusion financière à l’ère du digital, il est essentiel de :
Proposer des services adaptés aux besoins des populations.
Renforcer l’infrastructure numérique pour faciliter l’adoption des services.
Adopter une réglementation SMART pour encourager l’innovation tout en protégeant les utilisateurs.
Perspectives pour une Finance Inclusive et Durable au Maghreb
En conclusion, une conception pertinente des offres de services financiers numériques en accord avec les besoins et attentes des populations, une infrastructure numérique pour soutenir l’adoption facile et étendue et une réglementation SMART, sont autant de facteurs permettant d’optimiser et développer la véritable inclusion financière au Maghreb à l’ère du Digital.