- 24 octobre 2022
- Slim Hedi Chekili - AMEF Consulting
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MATURITE ET ENJEUX DES INSTITUTIONS FINANCIERES EN MATIERE DE RSE
I-Politique Responsabilité Sociale et Environnementale (RSE)
Dans le cadre de la définition de sa politique RSE, une institution financière peut s’aligner sur un certain nombre d’objectifs parmi les 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) définis par les Nations Unies à l’horizon 2030 ; et ce en fonction de la mission, de la vision et des valeurs qu’elle souhaite promouvoir.
Parmi ces ODD on peut citer par exemple : la santé et le bien-être, une éducation de qualité,
la lutte contre les changements climatiques…
-La politique RSE d’une institution peut également se décliner autour de plusieurs piliers et
engagements tels que :
– La responsabilité sociale visant à développer une gestion loyale du capital humain
– La responsabilité civique visant à lutter contre l’exclusion et à promouvoir l’éducation et
la culture
-La responsabilité environnementale visant à agir contre le changement climatique
– La responsabilité économique visant à financer l’économie de manière éthique
Le cadre réglementaire en Tunisie fait en sorte que la Politique RSE des institutions financières réponde aux standards et réglementations suivants :
– La Circulaire de la Banque Centrale de Tunisie N°2021-05 du 19 août 2021 relative au cadre de gouvernance des banques et des établissements financiers,
– La loi 2018-35 du 11 juin 2018 portant sur la responsabilité sociale des entreprises,
– Le Décret N° 2005-1991 du 11 juillet 2005 relatif à l’étude d’impact sur l’environnement et
fixant les catégories d’unités soumises à l’étude d’impact sur l’environnement,
-Les normes environnementales et sociales de la Banque mondiale en matière d’évaluation
et gestion des risques et effets environnementaux et sociaux.
Toute institution financière est donc appelée à se doter d’une politique RSE qui devra inclure une politique qui décrit sa vision et sa mission sur les sujets à caractère environnemental, sociétal et de développement durable.
II-Politique RSE et Système de Gestion Environnementale et Sociale (SGES)
Cette même institution financière fait face généralement à un certain nombre de risques tels que par exemple, le risques de dommages sociaux ou environnementaux causés par le client, le risque de contrepartie résultant de la détérioration de la capacité de remboursement du client, le risque de réputation pouvant avoir un impact commercial et financier sur l’institution, notamment si celle-ci est cotée en bourse.
La mise en œuvre d’un système de gestion des risques sociaux et environnementaux a donc pour objectifs d’anticiper ces risques en les identifiant préalablement à l’octroi du financement et de les suivre tout au long du remboursement du financement.
La mise en place d’un SGES s’appuie donc d’une part sur une Politique Environnementale et Sociale qui présente précisément la vision et l’approche de l’institution concernant les enjeux environnementaux et socio-économiques et d’autre part sur une organisation et des procédures qui permettront de s’assurer que les dispositions légales et autres ayant trait à la gestion des risques en question seront respectées et que des ressources appropriées seront allouées.
Cette politique exige que les institutions financières dont les projets seront notamment financés par des bailleurs de fonds étrangers, puissent maitriser certains risques environnementaux et sociaux.
Dans cette perspective, l’institution financière devra veiller à ce que tous les projets financés soient examinés dans le cadre du SGES par rapport aux exigences applicables et s’assurer dans la mesure du possible que tous les projets sont gérés conformément aux exigences applicables de façon continue, pendant toute la période de financement du projet
Les principaux objectifs étant de :
– Veiller à ce que tous les projets financés par l’institution financière soient examinés dans
un cadre approprié par rapport aux exigences environnementales et sociales applicables.
Parmi les critères à caractère environnemental, on peut citer la gestion des déchets, la
gestion de l’eau, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la prévention des
risques environnementaux.
Parmi les critères à caractère social, on peut citer les mesures en faveur du personnel en
matière de santé, de sécurité, de formation, de diversité, de dialogue social, de non discrimination.
– Financer des projets uniquement lorsqu’ils sont conçus, réalisés et exploités d’une manière conforme aux exigences applicables.
– S’assurer dans la mesure du possible que tous les projets sont gérés conformément aux
exigences applicables de façon continue, pendant toute la période de financement du projet et assurer la transparence de ses activités.
III-La Mise en Œuvre d’un Système de Gestion Environnementale et Sociale
Le SGES est un processus d’évaluation des impacts environnementaux et sociaux négatifs
causés par les activités à financer. Il permet de prévenir et de gérer les risques environnementaux et sociaux potentiels du projet pendant sa mise en œuvre.
Il est utilisé par les Institutions Financières afin s’assurer que les projets et activités financés ne portent pas préjudice à l’environnement et sont réalisés notamment en conformité avec les politiques et procédures des bailleurs de fond selon un périmètre qui couvre l’ensemble du cycle de crédit depuis la mise en relation jusqu’à la fin de l’engagement
La mise en œuvre d’un SGES s’appuie sur un certain nombre de principes directeurs à savoir :
– L’instruction de la demande de crédit doit s’appuyer sur une diligence raisonnable pour l’évaluation des risques environnementaux et sociaux.
– Les résultats de cette due diligence doivent être pris en compte pour la prise de décision
d’octroi du financement et la définition des mesures de sauvegarde convenues contractuellement.
– Le client doit être en conformité au minimum avec la réglementation tunisienne sur les
aspects environnementaux et sociaux et si possible, avec les normes internationales.
– L’exposition de l’institution financière aux risques environnementaux et sociaux de ses
clients doit être maîtrisée et ne pas constituer une menace pour le développement durable de ses activités et de sa rentabilité.
L’institution financière devra donc identifier, évaluer et atténuer les impacts environnementaux et sociaux potentiels de ses activités en s’appuyant sur la démarche
résumée suivante :
Etape 1-Vérification de la non appartenance du projet à la liste d’exclusion
Cette liste arrêtée par la Banque Mondiale et à laquelle peut s’ajouter une liste propre à
l’institution financière, comprend notamment :
– Les projets comportant des formes de travail nuisibles relevant de l’exploitation ou du
travail forcé, l’exploitation de mineurs…
– La production ou commerce de tout produit ou activité jugé illégal en vertu des lois ou
règlements du pays hôte ou des conventions et accords internationaux : produits pharmaceutiques, pesticides / herbicides…
– La production ou commerce d’armes et de munitions.
– La production ou commerce de certaines boissons alcoolisées et du tabac. Les jeux de
hasard, casinos et entreprises équivalentes.
– La production ou commerce de matières radioactives non contrôlées
– La production ou commerce de fibres d’amiante
– La pêche aux filets dérivants en milieu marin
Etape 2-Catégorisation du projet :
Ceci par le biais d’un examen environnemental visant à déterminer la catégorie environnementale du projet à financer au regard des cinq catégories de risques environnementaux et sociaux à savoir :
– Catégorie A : Projet présentant des impacts négatifs sociaux ou environnementaux
potentiels significatifs, hétérogènes, irréversibles ou sans précédent.
– Catégorie B+ : Projet présentant des impacts négatifs sociaux ou environnementaux
substantiels, généralement réversibles ou faciles à traiter par des mesures d’atténuation.
– Catégorie B : Projet présentant des impacts négatifs sociaux ou environnementaux
modérés, généralement propres à un site, largement réversibles et faciles à traiter par des
mesures d’atténuation.
– Catégorie C : Projet présentant des impacts négatifs sociaux ou environnementaux
minimes ou nuls.
– Catégorie FI : Activités commerciales donnant lieu à des investissements dans des IF ou
par le biais de mécanismes comportant une intermédiation financière.
La détermination de la catégorie de risque E&S requiert donc une certaine expertise et doit se faire avant l’approbation du financement du projet selon des critères définis par le SGES tel que la taille de l’investissement, le secteur d’activité, l’irréversibilité de ses effets sur l’environnement et à la population locale, l’ampleur des problématiques sociales et
environnementales, la proximité de zones écologiquement sensibles…
Etape 3-Mise en œuvre de la procédure appropriée relative à la catégorie déterminée.
A titre d’exemple :
– Si le projet identifié entre dans la catégorie A, celui-ci pourra être considéré comme non éligible à un financement par certains bailleurs de fonds étrangers ou son financement pourra être conditionné par la communication préalable par le client d’une Etude d’Impact dont les résultats ont été approuvés par l’Agence Nationale de Protection de l’Environnement (ANPE) et matérialisés par la délivrance d’un certificat.
– Si le projet identifié entre dans la catégorie B, le client sera soumis à un Questionnaire
approfondi visant à apprécier son niveau de risque sur le plan environnemental et social.
IV-Degré de Maturité des Institutions Financières en Tunisie
AMEF Consulting a encadré les travaux d’une Etudiante en Master de la Toulouse School of
Economics (TSE) portant sur « L’étude de l’impact de la mise en place d’un Système de Gestion Environnementale et Sociale (SGES) et de la taxe carbone sur l’empreinte carbone des portefeuilles des banques »
Dans ce cadre et afin d’apprécier notamment le degré de maturité RSE des institutions
financières tunisiennes, un sondage en ligne a été réalisé sur la période juillet-août 2022
auprès d’un échantillon composé de banques et sociétés de leasing.
Il nous semblé utile d’en synthétiser ci-après les premiers résultats sur la base des réponses reçues à ce jour.
o 80% des Répondants disposent d’une politique RSE bien définie, formalisée et diffusée à
tout le personnel de l’entreprise. Ceci avec des objectifs et engagements déclarés pour
le développement durable et la lutte contre le changement climatique.
o 40% des Répondants consacrent un budget annuel pour la RSE, sachant que 20 %
seulement des Répondants ont réalisé plus de 10 actions RSE durant l’année écoulée
o 80% des Répondants disposent d’une structure RSE depuis 2018 pour la moitié d’entre
eux, avec un Responsable dédié partiellement ou totalement
o Un même pourcentage (80%) de Répondants affirme avoir organisé 3 à 5 formations
internes sur la politique RSE de l’entreprise. Seule la moitié des Répondants ont formé
plus de 50% de leurs collaborateurs.
o 20% seulement des Répondants affirment avoir mis en place un SGES et disposer d’un
Expert en risques environnementaux et sociaux.
o 80% des Répondants affirment que leur politique de crédit intègre des exigences en
matière de gestion des risques environnementaux et sociaux. Les risques liés aux changements climatiques étant intégrés dans la politique de gestion des risques pour 60% des Répondants
o L’entité en charge de la gestion des risques liés aux changements climatiques varie selon
les établissements : RSE, Marketing, Risques
o Aucun Répondant ne dispose actuellement d’outils de mesure des risques liés aux
changements climatiques et n’est en mesure de calculer son empreinte carbone, ni d’intégrer l’empreinte carbone de ses clients dans le calcul de son empreinte carbone.
o Aucune institution parmi les Répondants ne procède à l’élaboration ou publication d’un bilan carbone annuel mais néanmoins 60% d’entre eux ont défini des exigences RSE envers leurs fournisseurs et travaillent pour 40% des Répondants avec des fournisseurs certifiés (ISO 26000, ISO 14001…)
o En termes de pilotage RSE :
-80% des Répondants ont des objectifs en matière de RSE mais seuls 40% d’entre eux disposent d’indicateurs de mesure de performances RSE
-60% des Répondants disposent d’un système de reporting et de suivi d’indicateurs et 80% publient un Rapport RSE selon une fréquence annuelle pour 75% d’entre eux.
Thanks for the quality information.