
- 7 octobre 2019
- Meriem Cherif - AMEF Consulting
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Microfinance en Tunisie : un secteur en plein essor
Le secteur de la Microfinance en Tunisie connaît un véritable essor. En effet, d’après le Baromètre de l’Autorité de Contrôle de la Microfinance (ACM) de Juin 2019, organe de supervision du secteur de la Microfinance en Tunisie, il existe 9 Institutions de Microfinance (IMF) agréées, dont 7 IMF sous forme de société anonyme (SA) avec un réseau total de 155 agences et 2 IMF sous forme d’association avec un réseau total de 6 agences ainsi que 287 Associations de Microcrédits (AMC) non agréées, opérant selon l’ancienne réglementation d’avant 2011.
Par ailleurs, le volume global des microcrédits accordés par les IMF (IMF SA et IMF associatives) en 2018 a quasiment quintuplé par rapport à celui de l’année de 2011, atteignant la somme de TND 1150 millions contre TND 220 millions. Dès lors, un cadre réglementaire évolutif et adapté aux besoins du secteur de la Microfinance en Tunisie est sans doute une nécessité pour continuer d’accompagner son développement.
Ainsi, comprendre l’évolution de la réglementation en matière de Microfinance est essentiel pour pouvoir mesurer les progrès réalisés et identifier les défis persistants et les évolutions réglementaires à entreprendre. Ce papier présente les principales évolutions de la réglementation de la Microfinance en Tunisie à ce jour, tout en illustrant leurs impacts et proposant d’autres évolutions réglementaires de nature à soutenir davantage le développement de ce secteur d’activité au bénéfice de l’inclusion financière et du soutien à l’entrepreneuriat.
Augmentation du montant des microcrédits : Un levier pour la croissance de la Microfinance en Tunisie
Le cadre réglementaire sur le microcrédit a franchi une nouvelle étape. L’un des principaux apports de cette nouvelle réforme selon l’arrêté du Ministre des Finances du 13 avril 2018 concerne l’augmentation du montant maximum des microcrédits octroyés par les IMF. Passant de TND 20 000 à TND 40 000 pour les IMF (SA) et de TND 5 000 à TND 10 000 pour les Associations de Microcrédit (AMC), pour une durée de remboursement maximale respectivement de 7 ans et de 5 ans, le plafond en matière de microcrédit pouvant être octroyé par les IMF a littéralement doublé.
Il faut néanmoins noter qu’un accord préalable devrait être obtenu auprès de l’Autorité de Contrôle de la Microfinance (ACM), pour octroyer des microcrédits selon cette nouvelle réglementation.
Impacts et enjeux :
Généralement, le microcrédit a un impact positif tant sur le plan économique que sur le plan social. Cet instrument a fait ses preuves en augmentant les revenus, améliorant les conditions de vie et en assurant le passage de l’économie informelle à l’économie formelle. Ainsi, le relèvement du plafond des microcrédits accordés par les IMF permettra d’une part de compenser une inflation galopante observée depuis 2011, dont le taux est passé de 3.5% à 7.3% en 2018 et d’autre part d’élargir le cercle des micro-entrepreneurs soutenus par la Microfinance en Tunisie et exclus du système bancaire classique. Cela contribuera à la réduction du taux de chômage, qui reste élevé (autour de 15% en 2018).
Cette augmentation du plafond permettra aux IMF de développer de nouveaux produits et services, contribuant ainsi à dynamiser le secteur de la Microfinance et à renforcer la concurrence sur le marché tunisien. L’impact sur les PME et les micro-entrepreneurs sera particulièrement significatif, permettant à ces acteurs économiques souvent exclus du crédit traditionnel d’accéder à des financements adaptés à leurs besoins.
La protection de la clientèle dans la Microfinance : Un enjeu clé pour l’inclusion financière
L’arrêté du Ministre des Finances du 24 août 2016, relatif à la protection de la clientèle, est une avancée importante pour la promotion de la transparence et pour la protection des intérêts des usagers de la Microfinance en Tunisie. Plusieurs règles ont été instaurées par cette réforme. Les IMF doivent par exemple :
- Afficher les documents exigés relatifs aux demandes de microfinancement dans toutes leurs agences et succursales.
- Afficher le délai de traitement d’une demande de microfinancement.
- Fournir à tout bénéficiaire d’un microfinancement un tableau d’amortissement qui fait partie intégrante du contrat.
Impacts et enjeux :
Une initiative à saluer étant donné que la Microfinance s’adresse généralement à des personnes vulnérables et ayant un accès difficile à l’information. Une application ferme de ces règles contribuerait à la croissance du secteur. Cependant, des progrès restent encore à faire, notamment en termes d’éducation financière. Selon une étude de la Banque Mondiale, seulement 45% des adultes ont reçu un niveau minimum d’éducation financière.
Le renforcement de l’éducation financière est crucial pour permettre à chaque usager de prendre des décisions éclairées et responsables. Des outils d’éducation financière innovants, des campagnes d’information et des initiatives telles que la Smart Campaign, qui veille à ce que les clients soient traités équitablement, sont nécessaires pour renforcer la confiance dans le secteur de la Microfinance en Tunisie et pour soutenir l’inclusion financière des plus vulnérables.
Bonne gouvernance et transparence financière dans la Microfinance : Une voie vers la pérennité
Au cours de ces dernières années, des réformes ont été apportées par l’ACM en matière de gouvernance et de transparence financière. L’apparition de ces réformes peut être expliquée par l’accroissement du nombre d’IMF, principalement les IMF sous forme de SA, et le développement dynamique observé du secteur. D’où l’importance d’instaurer un cadre réglementaire fixant des normes en matière de bonne gouvernance.
Les principales dispositions prévues par ces nouvelles mesures concernent :
- Adopter un système de gouvernance basé sur un conseil d’administration et un directeur général ou un conseil de surveillance et un directoire pour les IMF constituées sous forme de SA.
- Procéder à un audit externe des comptes des IMF sous forme associative et les IMF sous forme de SA.
- Fixer des règles de gestion et de transparence financière, telles que la communication des états financiers et rapports annuels.
Impacts et enjeux :
L’instauration et l’adoption de ces mesures vont renforcer la transparence du secteur de la Microfinance en Tunisie et attirer les investisseurs grâce à des informations fiables et pertinentes. Toutefois, le principal défi reste l’application stricte des textes réglementaires, particulièrement pour les IMF sous forme associative.
Diversification des produits : La nouvelle ère de la Microfinance en Tunisie
La nouvelle réglementation permet aux IMF de diversifier leurs produits, en offrant des produits de micro-assurance, en complément du microcrédit, ainsi que des services non-financiers. En effet, en termes de réglementation, les IMF peuvent offrir des produits de micro-assurance si elles signent une convention-cadre avec l’industrie de l’assurance, à travers une organisation unique qui les représenterait toutes (SA comme AMC).
Ainsi, pour répondre à cette question, le microcrédit n’est pas le seul produit offert par les IMF en Tunisie.
Impacts et enjeux
Pour une IMF, la diversification des produits est essentielle pour réduire les risques. La moitié des IMF sous forme de SA offre déjà des produits de micro-assurance, ce qui est un signal positif pour l’avenir du secteur de la Microfinance en Tunisie. Toutefois, la réglementation actuelle ne permet pas encore aux IMF de collecter l’épargne publique, limitant ainsi leurs ressources de financement.
L’avenir de la Microfinance Tunisie
L’instauration d’une réglementation appropriée et évolutive pour le secteur de la Microfinance en Tunisie est une nécessité afin d’éviter une crise du secteur, améliorer les performances des IMF, attirer les bailleurs de fonds et les investisseurs, et améliorer la compétitivité et l’efficacité des IMF. Le développement continu du cadre réglementaire tunisien en matière de Microfinance représente la force principale du secteur qui permet, en conséquence, de créer de nouvelles opportunités.
Cependant, plusieurs défis restent à relever, notamment en matière de gouvernance, de micro-assurance et d’éducation financière. De plus, la réglementation tunisienne n’autorise toujours pas la collecte de dépôts, malgré une forte demande. En effet, selon une étude menée par la Banque mondiale, 81% des Tunisiens seraient intéressés par la micro-épargne.
L’adoption d’un cadre réglementaire favorisant la promotion de la micro-assurance, de la micro-épargne et d’autres services financiers inclusifs consolidera la véritable transition vers la Microfinance en Tunisie. Par ailleurs, l’instauration d’un cadre réglementaire complet en matière de finance digitale sera également un facteur clé pour accompagner le développement du secteur de la Microfinance en Tunisie et soutenir l’entrepreneuriat et les PME.

Meriem Cherif est Consultante chez AMEF Consulting. Elle a rejoint l’équipe au début de l’année 2019. Elle intervient dans la réalisation de missions de conseils et d’études, axées plus particulièrement sur la Finance Inclusive & Microfinance.