- 17 juin 2023
- Slim Hedi Chekili - AMEF Consulting
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ENJEUX ET PERSPECTIVES DE LA GETSION DE PATRIMOINE EN AFRIQUE
I- Le conseil en gestion patrimoniale
Dans certaines grandes banques internationales à vocation universelle, l’activité de « Private Banking » est organisée au sein d’une ligne de métier « Wealth Management » qui gère la relation avec la clientèle privée fortunée appelée « High Net Worth Individuals » (HNWI) segmentée sur la base du niveau de patrimoine financier géré.
L’activité de banque privée adossée à un réseau bancaire est généralement assurée au niveau de la relation client par un Conseiller Patrimonial qui a pour mission de prendre en charge toutes les modalités relatives à la gestion du patrimoine global de son client (patrimoine financier, patrimoine mobilier et immobilier, placements, financements…).
L’exercice efficace de ce métier requiert néanmoins de pouvoir s’appuyer sur deux piliers : une démarche et des compétences spécifiques.
1. La maîtrise d’une démarche propre à une approche globale du client.
La première étape consiste tout d’abord à cibler les clients à même d’entrer dans un processus de gestion patrimoniale et ensuite d’expliquer aux clients sélectionnés lors d’un premier entretien le processus d’échange proposé afin d’obtenir leur adhésion sur la façon de travailler.
Ceci via la signature d’une convention de gestion patrimoniale qui précisera la démarche, les prestations et tarifs associés ainsi que les droits et obligations de chaque partie en matière notamment de transparence et confidentialité des informations.
La seconde étape aura pour objectif d’entreprendre lors d’un entretien approfondi, une découverte à 360° du client afin de prendre connaissance du contexte professionnel et familial, d’appréhender sa situation patrimoniale et budgétaire, son profil global de risque ainsi que ses objectifs et/ou préoccupations à caractère patrimonial.
Sur la base des éléments recueillis à cette occasion, il s’agira ensuite d’établir une analyse-diagnostic des situations patrimoniale (stock) et budgétaire (flux) ainsi que de ses objectifs et/ou préoccupations du client
Ce travail préliminaire permettra au Conseiller Patrimonial de formuler ensuite un certain nombre de préconisations en réponse aux problématiques soulevées par le client telles que par exemple :
- Bâtir un Patrimoine financier : « Comment me constituer un capital par des placements réguliers à la fois liquides, rémunérateurs, sécurisés et avec avantage fiscal ? »
- Développer un Patrimoine immobilier : « Comment financer un investissement dans de l’immobilier locatif et bénéficier d’un effet de levier financier attractif ? »
- Restructurer un Patrimoine : « Comment faire le point sur l’ensemble de mon patrimoine constitué au fil du temps et voir si sa structure correspond toujours à mes objectifs patrimoniaux ? »
- Préparer la Transmission de mon Patrimoine : « Comment transmettre mon patrimoine de mon vivant dans les meilleures conditions tout en préservant l’harmonie familiale et en optimisant sur le plan fiscal ? »
- Assurer la Sécurité Financière de la Famille : « Comment anticiper les éventuelles tensions budgétaires pouvant résulter d’événements prévisibles ou imprévisibles pouvant impacter la sécurité financière de ma famille ? »
- Gérer le Patrimoine de la Vieillesse : « Aurais-je toujours les facultés physiques et intellectuelles à un certain âge pour gérer mon patrimoine immobilier locatif et mon patrimoine financier ? Quelles sont les solutions envisageables ?»
Les préconisations du Conseiller Patrimonial en réponse à ce type de préoccupation devront faire l’objet de simulations selon différents scénarii tout en précisant selon le contexte, les conséquences juridiques, fiscales et financières des propositions formulées.
Une fois la stratégie patrimoniale validée avec le client, la dernière étape consistera à accompagner le client dans la mise en œuvre de ladite stratégie.
2. La mobilisation de compétences spécifiques
Afin d’être à mesurer de traiter une variété de problématiques patrimoniales, la gestion patrimoniale requiert des compétences en matière notamment de Droit (Droit des personnes et de la famille, Droit des sociétés…) de Fiscalité (fiscalité sur le revenu, le capital, les mutations, le démembrement de propriété…) de Risque (crédits patrimoniaux, garanties…) de Marchés Financiers (gestion sous mandat…) d’Ingénierie patrimoniale immobilière et de Planification financière (choix d’investissement, optimisation…)
Le Conseiller Patrimonial en tant que généraliste, devra donc s’appuyer à cet effet selon le contexte, sur des spécialistes tels que par exemple, un agent Immobilier pour l’achat/vente/gestion de biens immobiliers, un gestionnaire de Portefeuille pour l’achat/vente d’actifs financiers, un notaire pour l’enregistrement de mutations et la liquidation de successions, un expert-comptable pour le traitement comptable et fiscal des actifs, un banquier pour les besoins éventuels de financement, un assureur pour les besoins en matière de placements et assurances, voire même un conseiller artistique ou un conseiller philanthropie pour les investissements en œuvres d’art en dans des actions de mécénat.
Une fois la stratégie patrimoniale mise en œuvre, celle-ci devra faire l’objet d’un suivi périodique en lien avec l’évolution non seulement de l’environnement juridique, fiscal, économique d’une part mais également avec l’évolution de la situation et des objectifs (cycle de vie) du client d’autre part.
A titre d’exemples en Tunisie, le législateur a relevé sensiblement et harmonisé les possibilités de défiscalisation des sommes investies en compte épargne actions (doublement du plafond déductible) ainsi que sur les contrats d’assurance-vie (décuplement du plafond déductible)
Plus récemment la loi de finances tunisienne pour l’exercice 2023 est venu instaurer pour la première fois un impôt sur la fortune immobilière (art.23) qui s’élève à 0,5% sur les immeubles, bâtis ou non bâtis, détenus par toute personne physique dont la valeur globale est supérieure ou égale à TND 3 millions y compris les immeubles propriétés des enfants mineurs à charge.
La valeur de TND 3 millions est fixée sur la base de la valeur réelle des immeubles concernés par l’ISF y compris les droits sociaux dans les SCI après déduction des dettes grevant lesdits immeubles
II. Les enjeux de la gestion patrimoniale
Le développement d’une activité de conseil en matière de gestion patrimoniale suscite l’intérêt croissant d’un certain nombre d’institutions financières qui souhaitent à la fois diversifier leurs activités, générer de nouvelles sources de revenu en se positionnant favorablement sur le segment haut de gamme des Particuliers et des Professionnels à titre privé.
Le constat est que sur certains marchés, la clientèle privée fortunée n’est pas toujours servie de façon véritablement appropriée par les banques et se trouve de facto obligée de traiter souvent avec différents interlocuteurs (avocat, expert-comptable, banquier…) pour résoudre différentes questions ayant trait au développement, à la restructuration ou en encore à la transmission de patrimoine.
Le développement d’une offre en matière de conseil en gestion patrimoniale requiert une approche globale du client par les banques et vient répondre à l’ambition de lui apporter des solutions qui répondent à l’ensemble de ses objectifs et/ou préoccupations patrimoniales à court et moyen termes et qui vont au-delà de la gestion du patrimoine financier.
Hormis les impératifs de conquête et de fidélisation de la clientèle, l’expérience montre par ailleurs qu’une entrée en gestion patrimoniale d’un client, permet en moyenne d’améliorer de 20% la rentabilité générée par rapport à ce même client géré de façon habituelle en agence.
Le développement de cette activité au sein de la banque requiert également une organisation appropriée et la capacité de pouvoir mobiliser des ressources internes ou dans le cadre de partenariats avec des cabinets spécialisés.
Par ailleurs, la mise en place d’un cadre juridique et fiscal favorable aux opérations de démembrement de propriété (nue-propriété et usufruit), la diversification des produits d’investissements défiscalisés, la promotion de nouvelles formes d’investissement immobilier au travers de véhicules tels que les sociétés civiles immobilières (SCI) ou les sociétés civiles de placements immobiliers (SCPI), l’assouplissement de la réglementation des changes, l’étendue de l’offre de prestations financières et non financières d’une part et les spécificités culturelles ou religieuse vis-à-vis de l’argent et de l’héritage par exemple ou encore le poids plus ou moins important de l’économie informelle au sein de la société d’autre part, sont autant d’éléments qui peuvent impacter dans un sens ou dans un autre le développement du métier de gestion patrimoniale.
III. Les perspectives de la gestion patrimoniale en Afrique
Les gestionnaires de patrimoine suivent avec beaucoup d’attention la croissance rapide de la fortune privée en Afrique et avec elle, l’extension du club des multimillionnaires. Ils ciblent en règle générale les particuliers disposant de plus de 500 000 dollars d’actifs (fortune hors résidence principale).
Les services les plus demandés par ces individus fortunés étant la gestion d’actifs, la planification financière et la planification successorale.
Selon une étude du groupe Crédit Suisse, les Africains fortunés détiendraient au moins 10% des 2.000 milliards de dollars qui dorment dans le portefeuille des ultra-riches dans le monde.
Ce qui fait du continent africain un formidable relais de croissance pour le marché de la gestion de fortune et de la Banque Privée, de manière générale.
La croissance moyenne du patrimoine médian des millionnaires est la plus rapide en Afrique au cours des 20 dernières années avec une progression de 8,9%. Seule la Chine avec une moyenne de 10,8%, a fait mieux.
Dans son rapport 2022 sur la richesse en Afrique, le cabinet d’étude britannique Henley & Partners a indiqué que le continent compte au total 138 000 millionnaires, 328 centi-millionnaires et 23 milliardaires en dollars.
Selon le même rapport, le marché de la gestion du patrimoine en Afrique devrait croître de 60% durant la prochaine décennie pour atteindre 240 milliards en 2032 contre 150 milliards en 2022.
L’Afrique du Sud étant le principal hub de l’industrie de la gestion de patrimoine sur le continent, avec des actifs sous gestion d’un peu plus de 85 milliards de dollars à fin décembre 2022.
L’Afrique du Sud, l’Egypte, le Nigeria, le Kenya et le Maroc concentrent ensemble 56 % des millionnaires et plus de 90 % des milliardaires recensés sur le continent africain : avec 37 800 personnes possédant une fortune estimée à au moins un million de dollars, l’Afrique du Sud est le pays qui compte le plus de millionnaires, devant l’Egypte (16 100), le Nigeria (9 800), le Kenya (7 700) et le Maroc (5 800).
Le cabinet s’attend par ailleurs à ce que la population des personnes fortunées augmente de 42 % sur le continent au cours des dix prochaines années, pour atteindre environ 195 000 personnes, d’ici 2032.
L’île Maurice devrait être le marché le plus performant au cours de la prochaine décennie, avec une croissance de 75 % du nombre de ses HNWI. Une croissance de plus de 60 % du nombre des personnes fortunées est également attendue en Namibie, au Rwanda, en Zambie, aux Seychelles, en République démocratique du Congo et au Maroc.
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